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 Cette vie brumeuse qui n'était pas la tienne.

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Adam B. O'Connor


Adam B. O'Connor
Glandeur


Présages :
43

Race  :
Hybride.

Métier  :
Des jobs par-ci, par-là.

Nationalité  :
Américain.

Inventaire  :
Un sac et à peu près tout ce que vous pouvez imaginer.

Réputation  :
19 points.

Interne depuis le  :
10/08/2015


Cette vie brumeuse qui n'était pas la tienne. Empty
MessageSujet: Cette vie brumeuse qui n'était pas la tienne.   Cette vie brumeuse qui n'était pas la tienne. Icon_minitimeDim 23 Aoû 2015 - 23:46

Cette vie brumeuse qui n'était pas la tienne. 1440354217-elephant-brush



Ce jour où ta vie
ne t'appartient plus.



« Tout est brumeux autour de toi. Tu le sens ? »

La vapeur, épaisse et humide, mouille ton visage sans que tu ne parviennes à t'en extirper. Tu marches, tu trottines, puis tu cours, même, pour échapper au brouillard. Mais tu ne vois pas à plus loin que le bout de tes pieds. Quand tu tends la main, celle-ci disparaît sous les volutes, comme absorbée, et tu te dépêches de la retirer pour s'assurer qu'elle est toujours là.

Quelque chose cloche, tu le sens. Tu t'arrêtes d'un coup, prenant conscience que courir ne sert à rien. Anxieux, tu attends. Tu patientes, cette chose qui t'angoisse viendra vers toi, et non toi vers elle. Tu as assez couru, c'est à elle de se montrer.

Ton cœur palpite, tes tempes vibrent, tes mains tremblent. Ton regard s'agite dans tous les sens. Mais à chaque fois, il ne rencontre que le brouillard qui t'entoure, la fumée qui t'étouffe. Ce quelque chose approche, tu le sais. Elle est juste devant toi, puis plus loin derrière, elle t'observe, tourne autour de toi, te scrute, calcule tes moindres mouvements.

« Que va-t-il arriver selon toi ? »

La voix semble lointaine. On dirait pourtant qu'on ne peut entendre qu'elle. C'est bizarre, tu te rends compte que tu n'entendais même pas tes pas quand tu courrais. Qu'est-ce que cela signifie ? Tu ne le sais pas. Cela te rend encore plus nerveux. Une goutte de sueur glisse le long de ta nuque. Tu remarques que tes cheveux sont trempés, ils se collent sur ton front et tu lèves le bras pour les repousser. Tes vêtements aussi sont mouillés. Etait-ce à cause de la brume ? De la peur qui te fait suer ? Peut-être des deux.

Soudain, il y a ce déclic. Tu sens que c'est le moment, qu'il est temps. Et comme pour confirmer ta déduction, une poigne gelée s'empara de ton bras et tira avec force dessus. Tes jambes se dérobèrent et tu t'affalas sur le sol tandis qu'on te tirait. Tu criais, tu te débattais, mais rien n'y faisait. L'entrave ne te lâcha pas, et le pire, c'est que personne ne t'entendait crier.

Puisque, toi-même, tu ne t'entendais pas.

Ton bras avait disparu jusqu'au coude dans la brume, impossible de voir ce qui te traînait hors de ton chemin tout tracé, mais invisible, caché sous les vapeurs froides. Tu ne voulais pas le suivre, tu voulais qu'il te laisse partir. Tu ne voulais pas voir. Pas cette fois, il fallait se montrer plus fort que la chose. Alors tu continuais de bouger dans le vide, de crier en silence.

Mais la respiration te manquait. Le brouillard semblait plus épais, plus lourd. Cette fois, tu suffoquerais sûrement avant d'atteindre le point de non-retour. Etait-ce mieux ainsi ? Tu penses que oui.

« Tu ne peux pas te soustraire à ton devoir, Barthelemy. »
« Mon nom est Adam ! » pensas-tu si fort que tu crus t'entendre, cette fois.

Mais il n'en était rien. Bien que tu pouvais entendre la voix, celle-ci ne discernait pas tes mots, et de toute manière, elle ne voulait pas t'écouter. Elle s'assurait juste que tu fasses bien ce qui était prévu, comme à chaque fois.

Cette fois non plus, tu ne pourrais échapper à ton destin. Tu le sais, et ça te rend malade.

Ta joue rencontre une surface dure, lisse, et froide. En ouvrant les yeux que tu avais fermés, tu vois la scène de côté, comme si tout se trouvait collé aux murs. Mais en fait, tu es juste sur le flanc, allongé sur du vieux carrelage dont la couleur crème devait être autrefois un blanc plus criard.

Tu refermes les yeux pour te remettre les idées en place. Ta tête tourne, des petits points noirs dansent devant tes yeux. Le brouillard a disparu, pourtant tu es toujours trempé. Comme à chaque fois. Un bruit te force à reprendre contact avec l'univers qui t'entoure.

Tu te redresses lentement et tu tournes la tête vers la source du bruit. C'est une porte qui s'ouvre en grinçant. Cette porte semble vaporeuse, son image ondule sous tes yeux. Tu as beau te creuser les méninges, tu ne sais toujours pas pourquoi, alors que tu as l'habitude. Un souvenir trop vieux, sans doute.

La porte laissa apparaître la silhouette d'une femme tenant dans ses bras un petit garçon emmitouflé dans son manteau. Tu les regardes rentrer, suivis par un médecin aux cheveux grisonnants portant des lunettes qui consulte son calepin sur lequel sont coincées quelques feuilles.

Ton regard s'attarde sur la femme et le garçon. Etrangement, ses vêtements sont bien visibles, les contours bien dessinés, alors que quand tu scrutes son visage, tu ne vois que des larmes qui coulent. Tu ne distingues pas ses yeux, ni son nez, ni sa bouche. Tu devines pourtant une expression profondément triste.

Cela te rassure un peu, car tu sais que cette femme est ta mère, et que le bambin entre ses bras, c'est toi.

Tu te sens comme un intrus dans cette pièce que tu déteste, avec cet homme que tu maudis et cette femme que tu adores, alors même que tu ne l'as jamais vu, et que tu sais qu'elle t'as en quelques sortes vendu. Mais l'idée de renier celle qui t'a mis au monde te révulse. Tu sais que tu as besoin de croire en elle. Un jour, tu la retrouveras. Tu en as fait la promesse.

Tu étais trop jeune pour te souvenir de cette scène, et pourtant elle se déroule comme si elle s'était passée la veille. Tu sais exactement ce qu'il va se passer, et tu récites les répliques dans ta tête à défaut de pouvoir les changer, de pouvoir tout changer, comme tu l'avais voulu maintes et maintes fois.

L'homme fait glisser un dossier de quelques feuilles sur le bureau en direction de la femme. Les lettres d'un noir brut se forment en grand sur le haut de la page de garde : "CONTRAT". Ce mot, tu aurais tant voulu l'empêcher de se former sur le papier. Tu aurais tant souhaité pouvoir prendre ce contrat et le déchirer, le piétiner, le brûler, empêcher ta mère d'y apposer sa signature, celle qui validerait à tout jamais ce marché inhumain. Mais il était déjà trop tard aujourd'hui. Le mal était fait avant même ta conception. Tu le sais, tu avais déjà entendu des gens en parler.

Sans un mot, ta mère signa dans une petite case prévue à cet effet en bas de la page, et l'homme reprit aussitôt les feuilles entre ses mains pour les ranger dans un tiroir, de peur qu'on ne les lui prenne des mains. Ce que tu aurais bien fait, si tu le pouvais.

Désormais, tu n'étais plus le fils de ta mère. Plus officiellement en tout cas. Jusque-là, tu n'avais pas bronché, entre les bras de cette femme que tu aimais tant. Mais dès qu'elle te remit à cet homme, tendant les bras pour te remettre à lii, ton regard s'affola et tu t'agitas en émettant des bruits de protestation. Tu n'avais pas voulu quitter ta génitrice, malheureusement ce n'était pas toi qui décida.

De toute ta volonté, tu avais tendu tes menottes fragiles vers cette mère qui n'était plus, cette mère déchue qui pleurait toutes les larmes de son corps et qui s'efforçait de ne plus te toucher, de ne plus porter de regard sur toi. Mais c'était trop difficile. Alors pour éviter de craquer, elle s'en alla en courant, ses sanglots résonnant contre les murs et dans les oreilles du bébé comme un écho sans fin.

Dès qu'elle fût hors de ta vision, tu t'étais mis à chouiner. A ton âge, toi qui avait été dorloté aussi longtemps que possible par ceux qui n'étaient plus tes parents, tu pensais dur comme fer qu'un caprice ferait revenir ta mère. Et tu espérais en vain. Mais tu y croyais.

« Désormais, mon garçon, tu t'appelleras Barthelemy. »

Ce nom, tu ne l'entendis pas. Il était laid, ce n'était pas le tien. Tu continuais de pleurer, attendant que maman revienne et qu'elle t'emmène loin d'ici.

Mais toi, toi, le vrai toi, celui qui observait la scène de son œil de spectre, tu l'as entendu, ce nom. Cette appellation si étrangère, ce prénom qui ne t'était pas destiné. Celui qu'on t'a forcé à porter et que tu renier tellement tu le détestais. Barthelemy est un autre garçon.

« Moi, je suis Adam. » articulas-tu en fixant le gamin dans les bras de l'homme à lunettes.

Tu avais deux ans.

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